Voyager en famille

Sur la route on rencontre régulièrement d’autres voyageurs qui nous disent: « Vous avez fait le bon choix, vos enfants vont apprendre bien plus sur la route que sur les bancs d’écoles… ». On utilise souvent l’expression « l’école de la vie » pour décrire tous ces apprentissages que les enfants font en dehors d’une salle de classe et encore plus sur les routes du monde. Mais en quoi consistent ces apprentissages au juste? Comment ce voyage autour du monde enrichit-il leur quotidien, leur personne? Voilà un peu plus de 10 mois que nous sommes partis de la maison et nous partageons ici nos réflexions sur ces questions.

Capacité d’adaptation et flexibilité: Ce qui frappe, d’abord et avant tout, c’est la capacité que les enfants développent à s’adapter à un environnement et des circonstances en perpétuel changement. En voyage, on change régulièrement de “maison” (nos chambres d’hôtels), de ville, de pays même. Chacun de ces changements demande une réorganisation de la routine quotidienne  : s’endormir dans un lit ou une chambre différente, manger des aliments non familiers, se divertir avec ce qui est disponible où nous sommes, faire les devoirs dans des endroits pleins de distractions, etc. Les enfants doivent donc réussir à se construire des repères très rapidement et très fréquemment. Bien sûr comme parents nous sommes là pour les guider, mais les enfants ont une grande part de responsabilité aussi, du moins à l’âge des nôtres, 7, 9 et 10 ans.

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On dessine et on colore en attendant le départ vers une autre ville.

Une construction du monde: Amener ses enfants dans un autre pays, sur un autre continent, c’est  leur faire prendre conscience de la vastitude du monde et de la beauté de cette planète et des gens qui y habitent. Voyager autour du monde fournit des points de repères géographiques, culturels, religieux, politiques pour mieux comprendre le monde qui nous entoure. Les enfants ne se souviendront pas de tout ce que nous avons appris ensemble (surtout pour Juliette qui a 7 ans), mais quand ils entendront parler d’endroits qu’ils ont visités, d’animaux qu’ils ont vus dans leur habitat, de cultures auxquelles ils ont été exposés, de religions dont ils ont vu les temples et expérimenté les rituels, ils comprendront plus facilement. Cette aventure autour du globe aura nul doute permis aux enfants d’acquérir des points de repères solides auxquels pourront se greffer les futures connaissances.

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Les enfants qui donnent des cours d’anglais au Laos, un beau souvenir.

Aller à la rencontre des gens: Le voyage, c’est avant tout le contact avec l’autre. Que ce soit la population locale ou les autres touristes rencontrés sur la route, nous avons eu des échanges formidables avec tellement de gens intéressants. Les enfants ont appris à prendre part à ces échanges, à raconter à leur manière nos aventures, à partager avec des étrangers leurs impressions, leurs nouvelles connaissances. Notre petite Juliette qui gardait la tête baissée en rencontrant les gens a maintenant beaucoup plus d’assurance et est moins intimidée par les adultes qu’elle rencontre pour la première fois. Emile, l’aîné, adore rencontrer de jeunes touristes dans les auberges de jeunesse et discuter avec eux. Louis participe aussi beaucoup aux conversations et tente souvent quelques mots dans la langue du pays.

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Juliette apprend le violon sur la rue en Malaisie!

Curiosité: Quand on prend du recul et on pense à tout ce qu’on a vu et vécu au cours des derniers mois, on réalise à quel point ce fut riche en découvertes. Au-delà de toutes les nouvelles connaissances acquises à travers les visites, ce qui est le plus important c’est que les enfants aient pris goût à la découverte. Ils sont encore plus curieux qu’avant et posent toujours plus de questions. Comme nous sommes ensemble toute la journée à observer le monde – parfois si différent du nôtre -, les questions surgissent constamment. Le voyage expose les enfants à toutes sortes de matières à discussions: il peut s’agir de discuter d’un article traitant du trafic illégal de chiens au Vietnam, de tomber en plein milieu d’une parade de la fierté gaie dans les rues de Buenos Aires, d’être exposé malgré nous à des films violents projetés dans les bus en Amérique du sud, de voir les mendiants sur la rue, d’être victimes d’arnaques (banales) au Cambodge, d’assister à des rituels religieux différents des nôtres. Toutes ces situations « insolites » aux yeux des enfants les font réfléchir, poser des questions et échanger des idées avec les parents. Le voyage offre une multitude d’occasions pour discuter et approfondir différents enjeux et différentes problématiques en famille.

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Ce moine trouvait bien sympathique de voir les enfants prendre part au rituel religieux à Angkor.

Exposition aux langues étrangères:  Durant la dernière année les enfants ont été exposés à plusieurs langues. Entendre la mélodie, la sonorité d’une langue, essayer de la déchiffrer en regardant les journaux ou les panneaux publicitaires, la pratiquer en passant sa propre commande au restaurant ou en abordant d’autres enfants au parc sont toutes des occasions enrichissantes. Pour chaque langue étrangère, nous avons appris des mots de base comme « bonjour, merci, s’il vous plaît, au revoir, etc. » afin de faciliter le contact avec la population locale. En Amérique du Sud, les enfants ont appris beaucoup plus et pouvaient réussir à faire quelques phrases en espagnol. Nous sommes présentement en Grèce et les enfants s’amusent à déchiffrer l’alphabet grec, même à écrire leur prénom en ancien grec. Cet éveil aux langues étrangères est un apprentissage formidable, une belle ouverture sur les cultures.

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It’s all Greek to me!

Débrouillardise et résolution de problèmes: En voyage surviennent régulièrement une foule de petites situations pour lesquelles les enfants doivent faire preuve de débrouillardise. Par exemple, on demande aux enfants d’aller préparer leur bol de céréales dans une cuisine commune; d’aller à la toilette la nuit alors que la salle de bain est partagée; d’aborder un vendeur dans sa langue, lui demander le prix d’un souvenir et le payer soi-même; de s’occuper de ses affaires dans le bus (encore plus  quand il faut sortir en vitesse!); de passer leur commande au restaurant; d’aller vers les autres enfants pour s’amuser avec eux. Ce sont de petits gestes du quotidien auxquels tous les enfants sont exposés, mais en voyage ces petits gestes sont réalisés plusieurs fois par jour dans un environnement toujours nouveau, dans une langue étrangère, avec des inconnus, ce qui demande de faire travailler fort ses méninges!

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Louis donne des cours privés d’anglais en attendant le train à Bangkok.

Tolérer l’inconfort: Contrairement à ce que plusieurs pourraient croire en voyant nos photos, le voyage au long cours n’est pas qu’une suite d’expériences stimulantes et de découvertes incroyables. Nous avons eu notre lot d’autobus inconfortables, de chaleurs intolérables, de toilettes publiques insalubres, de bus de nuit interminables et de chambres à la propreté douteuse. Par ailleurs, du fait de vivre en communauté serrée constamment nous avons aussi dû apprendre à faire des concessions, à partager, à trouver des moyens de régler les conflits. Lors des situations difficiles, les enfants ont dû trouver les ressources à l’intérieur d’eux-mêmes pour soit endurer la situation ou soit trouver un moyen de régler leur désagrément.

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Les voyages rapprochent la famille.

 Conscience budgétaire: Et oui, voyager pendant un an autour du monde implique nécessairement la gestion serrée d’un budget. Bien sûr, les parents gèrent et planifient les grandes dépenses, mais les enfants doivent aussi prendre conscience de la valeur de l’argent – qui en plus est relative au niveau de vie différent d’un pays à l’autre. Au quotidien, les enfants doivent prendre conscience qu’en raison du budget il faut faire attention aux dépenses. Combien de fois on a dû expliquer aux enfants les raisons (monétaires) pour lesquelles on prenait un bus de nuit de 12, 15 ou 20 heures au lieu d’un vol d’avion rapide d’une heure et demie! Ou encore qu’on allait se cuisiner notre repas au lieu d’aller au restaurant. Même dans les pays au faible coût de la vie où on prenait plus souvent nos repas au restaurant, les enfants ont appris ce qui était une dépense raisonnable pour le repas. On a aussi dû à maintes reprises dire non à des activités « super cool » qu’on ne pouvait pas se permettre: à la grande déception des enfants, et des parents aussi bien souvent! Et bien oui, les enfants ont appris que la gestion d’un budget implique des choix quotidiens… Ils ont aussi appris l’art du marchandage, qui est un art bien difficile à maîtriser pour la majorité des occidentaux!

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Juliette n’était pas peu fière d’acheter elle-même son chapeau vietnamien.

La richesse ne se compte pas seulement en argent:  Nous vivons dans les sociétés les plus riches au monde et il est bon de prendre conscience de la chance que nous avons, mais aussi de réaliser que la majorité des gens sont heureux malgré leurs ressources limitées. Le bonheur ne se quantifie pas au salaire des parents ou au nombre de télévisions et de tablettes que les familles possèdent. Nous avons rencontré nombre de familles heureuses et unies qui vivaient pourtant dans un état que nous qualifierions de pauvreté extrême.

Définitivement, les voyages forment la jeunesse! On ne sait pas toujours exactement quel genre de traces laissent les voyages ni comment ces aventures autour du monde influencent ce que les enfants deviendront, mais on est convaincus que les voyages apportent un bagage inestimable.

Et vous, comment décririez-vous cette fameuse école de la vie? Nous sommes curieux d’en apprendre plus sur les autres familles qui voyagent. Laissez-nous vos commentaires!

7 commentaires on “Les voyages et l’école de la vie

  • Salut Corinne,
    merci pour cet article. Comme tous les autres, toujours intéressant de vous lire!
    Petit fait cocasse: après avoir lu le commentaire des « Explorateurs du monde », je suis allée sur leur blog. J’ai vu qu’ils étaient ou avaient séjourné dans la région de Québec et visité à Lévis des amis connus en Asie du Sud-Est… à savoir une ancienne collègue de travail de mon chum et sa famille, dont on avait entre autre reçu de super jouets pour notre Louis qui sont encore utilisés par Hubert aujourd’hui. La planète est petite… et en même temps, tellement vaste et diversifiée qu’une vie entière à bourlinguer ne pourrait y venir à bout!)
    Parce que le retour fait aussi parti du voyage, je vais me permettre une question. Les autres tourdumondistes pourraient aussi y répondre… Comment envisagez vous votre retour à la maison après cette année autour du monde? Avec excitation, aversion, appréhension? Qu’en disent les enfants? Avez-vous commencé à en discuter avec eux?
    Je vous souhaite un très bel été rempli d’agréables découvertes et de chaleureuses retrouvailles. En espérant te voir un de ces 4 après votre retour!

    • Bonjour Catherine,
      Drôle de coïncidence en effet pour la famille d’explomonde! On ne les a pas encore rencontrés mais on a l’impression de déjà les connaître parce qu’on a fait le tour du monde en même temps qu’eux et on a chacun suivi le blogue de l’autre. On a par ailleurs prévu les visiter d’ici quelques jours, puisqu’ils nous ont gentiment invités chez eux.
      Pour le sujet du retour, on avait prévu un article après le retour, mais ce serait aussi une bonne idée de parler de l’anticipation du retour, comme tu le décris. A prime abord, on est tous bien contents de revoir la famille et les amis mais on n’est pas nécessairement presser de retourner dans la routine habituelle: boulot, école, cours et activités des enfants, la course journalière quoi! Les enfants ont surtout hâte de revoir leurs amis proches et hâte de revoir la neige, qu’on n’a pas vu depuis plus d’une année! Un bel été à toi aussi, Corinne et Eric

  • Bonjour Corinne…

    J’attendais cette cette réflexion avec grand intérêt! C’est l’essence meme de votre long périple que de remettre en perspective ces notions d’apprentissage, d’education, d’humanisme, relativisme, et d’equilibre social. Bravo a vous encore un fois….En vous souhaitant d’autres decouvertes sur la route de la vie.

  • Bonjour à la famille Sauvé, quel belle réflexion sur l’apprentissage et l’évolution des apprentissages de la vie.Il n’y a pas plus grand moyen de développer et de grandir que par l’apprentissage,et la candeur à s’ouvrir sur le monde extérieur et du même coup son monde intérieur. Bravo pour votre audace et votre générosité à partager . Loulou et bob,on hâte de vous revoir au retour.

    • Merci Bob et Loulou! Maintenant vous avez deux familles à suivre en voyage, avec Marie-Claude et Marc en Équateur!

  • Quel beau résumé de l’école de la vie ! Nous avons exactement le même ressenti et des expériences similaires après 9 mois de voyage. L’adaptation quotidienne aux changements réguliers est sans doute ce qui prend le plus de sens ; et elle a été énorme pour notre petite dernière qui avait 3 ans au départ de notre périple.
    Le souvenir d’une situation, d’un endroit, d’un vécu sera un outil vraiment précieux et un socle de références pour construire leurs futurs apprentissages. Ils ont baigné dans des atmosphères tellement variées tout au long de ce voyage, ont participé à des scènes de vie incroyables, expérimenté, écouté, vu, senti, goûté, ressenti… que l’on n’a même pas idée de l’impact de ces quelques mois hors de leur quotidien en France sur leur vie future.
    La famille en ressort encore plus soudée et chacun aura construit des ressources en lui pour continuer à grandir physiquement mais aussi intérieurement. Et nous adultes aussi : l’école de la vie continue toute la vie !

    • Merci les explorateurs du monde! Vous regarderez aussi le commentaire de Catherine, c’est quand même assez comique comme coïncidence!

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